De l’Antiquité à nos jours, dans tous les pays, des milliers de livres ont été jetés au feu sur la place publique, victimes de régimes totalitaires ou de fanatiques religieux. Maintenir les peuples dans l’ignorance les rend plus faciles à dominer pensaient-ils : « Un peuple instruit ne peut être gouverné » décidèrent les légistes de la Chine ancienne. Et que dire de l’inquisition ? 

Ces autodafés qui ont jalonné l’histoire de l’humanité étaient bien souvent, trop souvent, liés à des massacres humains. Heinrich Heine, écrivain et poète allemand du XIXe siècle ne croyait pas si bien dire en écrivant cent ans avant les autodafés nazis de 1933 : « Là où l’on brûle des livres, on finit par brûler des hommes ». Lucien X. Polastron de son côté nous dit dans son livre « Livres en feu » : « Le livre est le double de l’homme, le brûler équivaut à le tuer ». 

La censure, quant à elle, a toujours existé, de façon plus ou moins manifeste… Même si en France il n’existe plus de loi interdisant totalement la publication d’un ouvrage, les autorités peuvent en restreindre la diffusion si elles considèrent qu’il peut présenter un « danger pour la jeunesse ou un risque de trouble à l’ordre public. ». Mais n’oublions pas que beaucoup d’écrivains ou poètes qui sont encore aujourd’hui au programme de nos écoliers ont subi le feu de la censure, tels que Lafontaine, Baudelaire, Boris Vian et bien d’autres… 

Aujourd’hui, le numérique a largement pris le pas sur le papier, trop peut-être, et le nombre de lecteurs diminue alors que le nombre d’ouvrages publiés est en constante augmentation… Mais là n’est pas mon sujet. 

Rendons juste hommage à la liberté que nous avons de lire ou de ne pas lire, que ce soit pour notre connaissance, pour notre plaisir ou pour les deux… 

Les bienfaits de la lecture (y compris la lecture « loisir ») sont beaucoup plus nombreux et divers que nous le croyons :  

                                                                      La mémoire. 

Pour comprendre un livre ou suivre une histoire, il faut que notre cerveau active notre capacité de mémorisation afin d’enregistrer la multitude d’informations à retenir (les personnages, les actions principales et secondaires, etc.). Le fait de lire augmente nos capacités mémorielles à court terme et peut même préserver des effets du vieillissement sur le cerveau et, potentiellement, limiter les troubles de la mémoire. De la même façon, chez les jeunes et très jeunes enfants, la lecture active certaines zones du cerveau en modifiant les connexions entre les neurones, et il est reconnu et prouvé scientifiquement que la structure du cerveau en est modifiée. Dans un article qui portait sur la dyslexie, paru en février 2021 dans la revue scientifique Frontiers in Computational Neuroscience, un chercheur a démontré que les zones du cerveau qui étaient activées lors de la lecture l’étaient également dans d’autres activités, à priori sans rapport, telles que les mathématiques (en ce qui me concerne, il devait y avoir un petit problème de câblage dans mon cerveau…). Cela dit, ce chercheur estime, au vu du résultat de ses expérimentations, que « l’alphabétisation a des conséquences positives bien au-delà du seul fait de savoir lire. » Mais je m’égare ! 


                                                                 La détente.    

Dans nos vies hyperactives, où l’on peut en même temps surveiller un poulet au four, relever ses courriers électroniques, échanger des messages sur les réseaux sociaux, répondre au téléphone et envoyer ses bambins sous la douche, lire revient à s’installer dans une bulle de calme dans laquelle toute notre attention peut enfin se poser. Le monde se met en sourdine, nous laissant enfin libre de se laisser porter par un récit, ou tout simplement par le rythme des phrases… Ça n’est pas de la méditation, loin de là, mais il y a bien des fois où l’on se sent relaxé après un moment de lecture… Le stress lié à la vie quotidienne s’en trouve diminué. Là aussi, il est prouvé scientifiquement que notre tension musculaire et notre rythme cardiaque baissent tous deux, et que cet état d’apaisement a un effet régulateur sur notre humeur. De même, notre sommeil est de meilleure qualité si on lit quelques pages avant de s’endormir (attention à la nuit blanche si on se fait prendre dans les mailles du filet d’un thriller!).

 

                                                                      Le développement

Aujourd’hui, arriver à se concentrer relève d’une prouesse ! Pouvoir se poser, développer en lisant (sans s’en rendre compte vraiment) ses capacités d’analyse, accroître ses connaissances et son vocabulaire et de ce fait, augmenter ses capacités rédactionnelles, participent à renforcer sa confiance en soi, aussi bien sur un plan professionnel que personnel. 

Mais les bienfaits de la lecture ne s’arrêtent pas là ; en plus de nous détendre, nous apaiser, nous relaxer tout simplement, ils développent aussi une certaine forme de sensibilité et d’empathie, particulièrement chez les enfants et les ados.

 

Bon, c’est bien beau tout cela, mais quoi lire ? 

J’aurais bien envie de dire : tout ! Ce n’est pas tout à fait vrai. Cela dépend en fait de ce que l’on recherche dans la lecture : l’évasion, le rêve, la connaissance, le savoir… En ce qui concerne mon propos d’aujourd’hui : « Lire fait-il du bien ? », je fais plutôt allusion aux romans, ceux dans lesquels on se plonge et qu’on ne lit pas en diagonale comme un article de presse… 

Aujourd’hui, peu de philosophes soutiendraient Platon lorsqu’il expliquait dans le Livre X de la République qu’il faut bannir le poète de la cité car il nuit à la vertu : « Il flatte la partie de l’âme qui est privée de réflexion, il fabrique artificiellement des simulacres, et il se tient absolument à l’écart du vrai. ». Pour lui, et pour certains, littérature et éthique ne font pas bon ménage ! Pourtant, la fiction peut aussi être considérée comme une « science humaine », même si sa forme est moins austère et moins savante. Pas tous les romans bien sûr ! Mais les lecteurs le savent bien, qu’un roman soit historique, une fiction, un polar, de la SF, il nous offre un autre regard sur le monde et sur nous-mêmes, incarnant à sa manière des interrogations existentielles ou philosophiques… 


                         Quel support ? Livre papier ou liseuse ?

 

Pour ma part, je lis sur liseuse depuis quelques années, depuis que ma fille et ma belle-fille ont eu l’excellente idée de m’en offrir une ! J’étais un peu réfractaire au début, mais j’ai fini par y trouver beaucoup d’avantages : poids plume, gain de place, transportable partout, prise de notes, dictionnaire intégré, etc. Je n’ai pourtant pas arrêté d’acheter des livres ! Le contact presque sensuel avec le papier, son odeur particulière, le bruit des pages que l’on tourne, ou encore la forme du livre, sa couverture… Autant de raisons qui font que je ne peux m’empêcher d’en acquérir de nouveaux de temps en temps. Disons simplement que mes acquisitions sont plus sélectives. Acheter un livre permet aussi de le prêter, de partager ce moment vécu avec quelqu’un d’autre. Bien sûr, on ne le revoit pas toujours, mais cela fait partie du jeu… 

La lecture en ligne, en revanche (je parle ici toujours de romans), sur tablette, téléphone ou ordinateur serait, d’après quelques études, à éviter, du moins pour atteindre un certain état de relaxation et d’apaisement. Tout d’abord parce que lire sur écran crée une fatigue visuelle liée à la fameuse « lumière bleue ». Mais aussi parce que notre concentration n’est pas totale ; nous sommes tentés parfois d’ouvrir d’autres onglets, ou notre œil peut être attiré par des pop-up, et nous avons tendance à lire en diagonale. Mais je pense que cela est plus dû à l’environnement de lecture qu’au support lui-même…


                          Enfin, quel que soit le support, il est important de prendre des notes.


Retrouver aussi, pourquoi pas, le plaisir d’écrire sur un carnet ou un cahier, une belle phrase, une citation forte… Cela permet de mieux les ancrer et donne l’occasion de se pencher ultérieurement sur certaines informations ou interrogations qu’elles ont suscité. Lire mieux est peut-être plus important que de lire plus… 

Beaucoup, dont je fais partie, se désolent de ne pas mieux se souvenir des livres qu’ils ont lus, et ce, seulement quelques semaines (voire quelques jours) après les avoir lus ! Pas de panique ! La lecture, notamment la lecture loisir, fait appel à la mémoire courte. Il en va de même pour les films… Nous retenons essentiellement ce qui nous a marqués. Il m’arrive bien souvent de me souvenir de l’endroit où j’étais quand j’ai lu tel ou tel bouquin, du contexte, de ce que j’ai ressenti à ce moment-là, sans pour autant me remémorer son contenu. Mais rassurez-vous, il en reste toujours quelque chose ! La preuve, si vous tombez sur un livre que vous ne vous souvenez pas d’avoir lu, ou sur un film que vous avez oublié avoir vu, leur déroulement va vous revenir au fur et à mesure de l’action et vous saurez même comment ils finissent ! 

Et puis, comme le disait Édouard Herriot : « La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié. » Cette citation à l’allure de boutade, rejoint très certainement celle de Montaigne lorsqu’il écrivait que mieux valait « une tête bien faite qu’une tête bien pleine ». Et puisque nous sommes dans les citations, je ne peux résister au plaisir de vous citer celle de Clémenceau : « Poincarré sait tout, mais il ne comprend rien ; Briand, lui, ne sait rien, mais il comprend tout. »

 

Pour conclure, lire reste très stimulant d’un point de vue cognitif et très enrichissant d’un point de vue créatif. Que cette activité apporte en plus du bien-être et de l’apaisement en permettant de s’évader, de profiter, de rêver, de réfléchir… que demander de plus ! 

Dans tous les cas, merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout, que vous soyez lecteur assidu ou non !