18ème lettre et 14ème consonne de notre alphabet, le R se croit spirituel en nous entrainant dans une farandole où il impose sa propre cadence. Il joue à cache-cache avec les pauvres scribes que nous sommes, tantôt devant, tantôt derrière, tantôt doublé et parfois absent ! Qu’on se le dise, c’est un fripon ! Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot… 


                                               Infractus ou infarctus ?

    

Infractus est un barbarisme. L’erreur, fort répandue, qui consiste à placer le R après le F au lieu de le laisser entre le A et le C, vient de l’analogie phonétique avec « infraction » ou « fracture ». 

Infarctus est le mot latin qui n’est autre que le participe passé de infere qui signifie remplir, farcir. En effet, le cœur, lors de cet accident, se remplit de sang et provoque la nécrose des tissus atteints. Pensez donc à FARCIR (A-R-C) pour ne plus faire la faute et ne rajoutez pas du mylocarde ! Il s’agit du myocarde (myo et kardio en grec), qui n’est autre que la plus grande partie du cœur.

  


                                                 Aéroport, Aréopage


                                                                         Aéroport

Un aéroport et non un aréoport, est « un port aérien » englobant l’aérogare (« gare aérienne »), les pistes d’atterrissage, etc. Pensez à l’aérien avant tout, comme à tout ce qui est lié à l’air : aéronef, aérosol, aérodynamique, etc.

 

                                                                                Arès

L’aréopage quant à lui, est bien plus ancien que l’aéroport, puisqu’il doit son nom à la colline d’Arès (Arès étant un dieu grec de la guerre) sur laquelle siégeait un tribunal que l’on nommait l’aréopage. Il a gardé sa signification dans le sens où un aréopage est constitué de « personnes se donnant pour mission de juger, d’apprécier les œuvres dont ils ont connaissance ». L’aréopage est donc, par extension « une assemblée de savants » qui n’a rien à voir avec l’aérien ! 

  


                                                  Opprobre, aborigène 

   

                                                                      L'opprobre

L’opprobre vient du latin opprobrium, honte, déshonneur. Ce mot est composé de ob (contre, devant) et de probrum (turpitude, infamie). C’est un déshonneur public attaché à la conduite ou aux actions de quelqu’un. On peut jeter l’opprobre sur quelqu’un, vivre dans l’opprobre, et par métonymie, être l’opprobre de sa famille, c’est-à-dire être un sujet de honte, une cause de déshonneur. La faute qui consiste à lui confisquer le dernier R vient certainement du fait qu’on le confond avec l’adjectif probe, qui est exactement son contraire : Probe, du latin probus, signifie bon, vertueux, honnête, intègre !


                                                                      Aborigène 

Pour l’avoir entendu trop souvent dans de vieux films d’aventure retraçant la découverte de continents inconnus, notre inconscient a certainement associé les aborigènes à des sauvages à moitié nus cachés dans les arbres ! Eh bien non ! Ce ne sont pas des arborigènes (de la racine arbor), mais bien des aborigènes, et ce terme descend, non pas des arbres, mais du latin aborigines qui veut dire de l’origine et qui désignait les premiers habitants d’Italie. Plus généralement, un aborigène est donc un autochtone dont les ancêtres sont considérés comme étant à l’origine du peuplement. 

Alors arrêtons de jeter l’opprobre sur les aborigènes !



                                                   Fruste ou frustre ?  

                                                                           Frustré

Frustre est un barbarisme ! Mais ne jetons pas non plus l’opprobre à ceux qui font la confusion ! Frustre n’existe pas, mais le verbe frustrer, lui, existe ! Il vient du latin frustrare qui signifie rendre vain, tromper, dérivé de frustra : « en vain ».  D’où, on peut se sentir frustré, déçu… On ne peut retrouver ce mot que dans sa forme verbalec’est-à-dire frustré

                                                                           Fruste

Fruste en revanche, est un adjectif qui signifie : grossier, ridicule, mal dégrossi, inculte, voire lourdaud ! Il s’appliquait autrefois aux monnaies ou aux pierres que le temps et les frottements avaient fini par altérer, avant de désigner dans le langage courant une personne qui manque d’éducation peut-être, de finesse sûrement !   

Encore une bouffonnerie de la langue française ! Après tout, fruste veut dire : abimé par le temps, et l’analogie phonétique nous fait aussitôt penser à rustre qui est employé pour désigner un être grossier, primaire, mal poli, voire brutal… Le contraire de poli donc ! Mais tout cela est bien subtil ! Retenez donc que l’on peut être frustré quand on se sent lésé ou déçu, mais que fruste ne s’emploie que comme adjectif pour désigner quelque chose ou quelqu’un dont le « relief » est inégal, qui n’a pas encore (ou qui n'a plus) le lustre apporté par la main ou l’esprit de l’homme… 

Combien frustré peut se sentir l’homme fruste !

 

                                              Fomenter ou formenter ?

    

Fomenter vient du latin fomentum qui veut dire cataplasme, calmant, lui-même dérivé du verbe fovere qui veut dire échauffer. Ce mot n’est donc pas dérivé de forme ou de force ! Bien au contraire, il a évolué de façon fort inattendue car laissons tomber le cataplasme pour ne garder que le verbe échauffer, qui donne aujourd’hui sa signification à ce verbe : tramer ou provoquer.  

Oubliez donc le R à fomenter et gardez le pour développer la force qui vous aidera à faire face aux fomentations ! 


                                        Carapaçonner ou caparaçonner ?

 

                                                                      Caparaçon

Qu’il est tentant de de penser à carapace lorsqu’on parle de caparaçon ! Pourtant, rien à voir ! La carapace est une sorte de cuirasse qui recouvre le dos des tortues, de certains crustacés ou insectes. Par analogie, elle désigne tout système de protection, au propre (croûte superficielle très dure, carapace de béton, etc.) ou au figuré (carapace d’indifférence ou d’égoïsme). 

Caparaçonner signifie : habiller d’un caparaçon. Au moyen âge, cela désignait « l’armure de guerre d’un destrier », puis la housse d’apparat dont on couvrait les chevaux pour les tournois ou les cortèges. C’est aujourd’hui le nom que l’on donne à la housse rembourrée qui protège les chevaux dans les courses de taureaux, mais aussi aux harnais et housses en coton dont on couvre les équidés. Notez que l’on peut aussi caparaçonner une vache, un chameau ou même un éléphant !   

Pour ne pas faire l’erreur, oubliez la carapace et pensez à la cape !

 

                                           Rasséréner ou rassénérer ?    


Encore une fois fions-nous à l’étymologie de rasséréner pour ne plus inverser les lettres R et N de ce mot. Rassénérer n’existe pas, mais c’est une faute que l’on entend fréquemment et que l’on retrouve tout aussi souvent à l’écrit. 

Rasséréner est un dérivé du mot serein qui signifie ramener à la sérénité, à la tranquillité d’esprit Il est vrai qu’il n’est pas tellement employé, certainement à cause de cette confusion latente qui nous fait hésiter bien des fois… Soyons donc rassérénés et utilisons ses synonymes : apaiser, calmer, rassurer, consoler, tranquilliser.    


                                                       Occurrence    

Non content d’avoir deux C, comme dans tous les mots commençant par le son « ocu » qui prennent deux C derrière le O (excepté oculaire et ses dérivés), il lui faut en plus deux R ! Ne l’en privez donc pas, il ne s’en remettrait pas et partirait pour de bon à la concurrence, qui en prend deux aussi !  En l’occurrence, voici sa signification : nom féminin, dérivé du latin occurrens qui est le participe présent de ocurrere : aller au-devant, rencontrer (le verbe currere voulant dire courir). Autrefois, ce terme était employé pour désigner un évènement, une circonstance : agir selon l’occurrence, en toute autre occurrence. Aujourd’hui, il ne s’emploie guère que dans l’expression « en l’occurrence », autrement dit « en la circonstance ». 

En linguistique, il désigne l’apparition d’une unité lexicale dans le discours : relever le nombre d’occurrences d’un mot dans un texte, c’est-à-dire le nombre de fois où il apparait dans ce texte.   Attention à récurrence qui, bien que doté d’un seul C comme concurrence, prend bien deux R ! 


  

               J’espère que cette petite chronique vous a intéressés…  Au fait un R ou deux R à intéressés ? 

               Laissez-lui ses deux S et ne l’affublez pas d’un second R, cela n’aurait aucun intérêt !